Dépression à deux.

La nuit noire et sans lune est un peu comme ma vie. Je me sens perdue au printemps de mon existence et à l’automne de celle des autres. Je ne vois pas où j’avance, et pourtant j’avance quand même. Mais à quoi bon ? À quoi bon se jeter dans la gueule du loup ? On m’a appris qu’il est possible que notre destin soit tracé d’avance. Et je ne suis pas protestante pour croire qu’il nous reste la liberté de rendre notre vie à la hauteur de notre devenir une fois mort. Je ne suis pas libre. Même dans un pays développé et riche, même avec toutes les opportunités qui se dressent devant moi, je ne suis pas libre. Ma cage a un visage magnifique mais une langue de vipère.

J’ai rêvé cette nuit d’une tombe que j’entretenais et à qui je parlais. La tombe de mon personnage qui semblait m’avertir que bientôt on sonnera le glas pour celle qui l’a créée. Mon double mort, mon projet mort, qui sait.
Je me suis souvent demandé comment tuer. Et comment se tuer. Dexter ne peut répondre qu’à la première partie de mes interrogations. Et tant mieux, car se tuer est encore plus lâche que se plaindre. Et qui sait, la tombe sur laquelle j’étais assise était peut être celle d’une période passée maintenant révolue.

J’adore la nuit, aussi noire soit-elle. J’aime beaucoup avancer au bord de l’eau et humer l’air frais. Ma veste fourrée à ses bords vole au gré du vent, j’aime quand mes vêtements volent au vent. Je vois quelque chose qui semble s’entraîner vers le fond de la rivière. La beauté de ses vêtements, lâchement abandonnés au sol, m’interpelle. Pourquoi cette personne coulerait-elle si quelque chose à la surface la retient ? Ni une, ni deux, je tire ma camarade hors de l’eau – peu importe les cours de sauvetage que j’ai séché, l’adrénaline est elle toujours au rendez-vous.

Camarade, tu es mon double. Camarade, la tombe que j’ai vu en rêve n’était pas pour toi. Car camarade, il y a des choses dans ce monde qui exaltent nos sentiments. Peu importe la cage et l’horreur de la société qui nous donne le mal du siècle. Trouvons-nous des camarades, exprimons-nous par l’art et déprimons ensemble. Soyons des romantiques du XXIème siècle, car le beau ne se voit que dans la souffrance. Les étoiles et la Lune ne se voient que parce que la nuit est sombre. L’eau ne paraît froide que parce que notre corps est chaud et plus vivant que jamais.